L'HISTOIRE
DE L'USINE DE CHAUNY
C'est vers l'an 1300 que
s'établit dans l'île de Murano, une industrie du verre
qui, pendant près de trois siècles, garda jalousement
ses secrets de fabrication et fit la grande richesse de la Sérénissime
République de Venise.
Mais au temps du Roy Soleil,
Colbert, Ministre avisé, parvint au prix d'énormes difficultés,
à enlever à la puissante république son privilège
et c'est en 1665 qu'est créée la Manufacture Royale
des Glaces. Cette Manufacture s'installe en 1692 au milieu de grandes
forêts, dans l'ancien château à demi ruiné
du village de Saint-Gobain, nommé ainsi en souvenir d'un Saint
ermite qui y vécut, venant d'Irlande, vers l'an 600 et y mena
une vie toute de dévouement et de charité avant d'être
massacré le 20 juin 670 par les Barbares venus du Nord.
NAISSANCE
D'UNE INDUSTRIE
En 1702, après de
nombreuses péripéties, la Manufacture Royale des Glaces
est dissoute en tant que telle, et réorganisée sous
une autre forme plus adaptée à l'économie de
l'époque. Elle réussit tant bien que mal à traverser
les périodes d'inflation, la banqueroute de Law et la Révolution
pour trouver enfin sa prospérité vers 1800.
Avec l'empire, l'importation
des soudes d'Espagne que la Manufacture employait depuis longtemps
devient difficile. Aussi est-il décidé de fabriquer
en France ce produit nécessaire à la fabrication du
verre au lieu-dit Charles-Fontaine (sur la route de Saint-Gobain à
Laon), choisi pour siège d'une industrie d'acide sulfurique.
Mais l'incommodité
de l'emplacement et le besoin d'eau obligent bien vite à envisager
le transfert de cette fabrication vers un autre site et c'est Chauny,
sur les bords de l'Oise où sont déjà installés
des bâtiments de stockage et de posissage de glaces, qui est
désigné et des installations commencent à s'y
poser.
Mais l'emploi de l'eau des
rivières est strictement réglementé.
Nous sommes en 1807, Napoléon
1er, Empereur des Français se trouve à Koenigsberg.
Il y a quatre jours qu'il vient d'écraser la 4e coalition par
le traité de Tilsit. Il peut enfin, dans cette paix momentanément
retrouvée, s'occuper des affaires intérieures de l'Etat
et c'est là que le 12 juillet 1807, il signe le décret
autorisant une prise d'eau sur l'Oise et la construction d'un moulin
et d'un barrage régularisant le cours de la rivière.

L'USINE
ALLAIT-ELLE NAÎTRE ?
A cette époque la
création d'une usine n'est pas chose aussi simple et il faut
encore des décrets pour autoriser les développements
industriels. Hélas, la réalisation des projets est remise
de nouveau en cause par la guerre avec ses priorités et les
années passent... Le 18 juin 1815, dans la morne plaine de
Waterloo, Blücher devance Grouchy. C'est la fin de l'Empire et
l'occupation étragère... Et l'on attend encore la pose
de la première pierre...
La Monarchie restaurée,
Louis XVIII "Roi de France et de Navarre" officialise enfin
par une ordonnance royale, le 20 mars 1822, le transfert de l'usine
chimique de Charles-Fontaine à Chauny.
Cette fois les projets vont
aboutir et on peut s'employer à la fois au polissage des grandes
surfaces coulées à Saint-Gobain, et à la fabrication
de l'acide sulfurique et du carbonade de soude suivant le procédé
Leblanc. C'est cette fabrication de la soude qui va donner le nom
de "SOUDIERE" à l'usine de Chauny.
DE 1822
A 1914
L'usine s'agrandit prospère.
Avec elle, Chauny et les villages environnants prennent de l'extension.
C'est dans notre Usine que
le célèbre chimiste Gay-Lussac, Administrateur mais
non pas Directeur de l'usine, comme on l'a dit et écrit, vient
de Paris mettre au point les tours de récupération des
gaz nitreux qui aujourd'hui encore portent son nom.

En 1830, conformément
à la nouvelle législation, la Compagnie se transforme
en Société Anonyme et après avoir fusionné
ses intérêts avec ceux d'autres compagnies change de
raison sociale en 1855 pour devenir "Manufacture des Glaces et
Produits Chimiques de Saint-Gobain, Chauny, et Cirey" nom qu'elle
gardera plus d'un siècle.
Le 26 novembre 1858, l'Usine
est en fête. Tout le Conseil d'Administration est descendu de
Paris pour recevoir l'Empereur Napoléon III et l'Impératrice
Eugénie venus visiter "LA SOUDIERE" et le polissage
des glaces. L'impératrice étame elle-même un miroir
et en fait don à l'usine en souvenir de sa visite. Au laboratoire,
en présence de M. Lacroix, Directeur de Chauny, le grand chimiste
M Pelouze procède à des expériences chimiques
devant Leurs Excellences.

Douze ans plus tard, c'est
la guerre de 1870 avec l'Allemagne. La région Chaunoise connaît
une période difficile; cependant l'usine opère d'importants
changements, et même une véritable conversion...
L'exposition de Paris en
1867 a révélé en effet un procédé
nouveau. Il s'agit du procédé à l'ammoniaque,
dont la première réalisation fut mise en point par Solvay
en 1863. Le procédé de la soude à l'ammoniaque
se développe et le procédé Leblanc à l'acide
sulfurique régresse. L'acide sulfurique doit trouver un nouveau
débouché. Fort heureusement, ce surplus de production
coïncide avec le début de la technique de l'enrichissement
des sols par engrais chimiques et c'est le commencement d'une nouvelle
fabrication.
L'usine continue de prospérer.
Ses réalisation sociales, avec ses écoles installées
dans l'usine même, ses sociétés de sports, son
corps de sapeurs-pompiers sont remarquables pour l'époque.
En pleine expansion, les
produits de l'usine figurent à toutes les expositions, de Paris
et d'autres lieux, où leur qualité est toute particulièrement
reconnue... Mais les rêves expansionniste du Kaiser Guillaume
II vont faire subir à l'usine la période la plus dure
de son histoire.
DEUX INVASIONS
EN 25 ANS

Après un mois de guerre,
le 1er septembre 1914, la localité est envahie en même
temps que l'usine. Les réquisitions sont immédiates
et nombreuses. Le Directeur, Monsieur Lesguillon est aux armées
et l'Ingénieur Principal Monsieur Lebrun dirige l'usine par
intérim. Après une première période où
les matières premières sont expédiées
en Allemagne pour pallier le blocus de la flotte anglaise, ce sont
les chambres de plomb elles-mêmes qui sont démontées
pour prendre le même chemin.
En février-mars, 1917,
c'est le drame...
Lors du repli des armées
allemandes de Blérancourt sur la ligne Hindenburg, appuyée
sur le massif de Saint-Gobain, les sapeurs mineurs du Génie
allemand dynamiteront toutes les installations de l'usine, dont il
ne reste que les ruines.

La paix revenue, la reconstruction
commence sous la Direction de Monsieur Staub, et de l'ingénieur
des Travaux, Monsieur Gaillard. En 1925, les installations de sulfate,
de nitrique, de sulfurique et d'engrais fonctionnent à nouveau.
Plus d'école à l'intérieur de l'usine mais pour
remédier au manque de locaux éducatifs on construit
une école maternelle sur la commune d'Autreville, toute proche.
En septembre 1939, c'est
de nouveau la guerre alors qu'une nouvelle fabrication, celle des
produits organiques, s'apprête à voir le jour avec la
première unité d'anhydride phtalique.
La "drôle de guerre"
va durer huit mois. Le 10 mai 1940, c'est la tempête. L'usine
est occupée le 21 mai au soir par la 29ème division
d'Infanterie du 14e corps d'armée du général
von Wietersheim. Elle y reste quatre longues années, pendant
lesquelles l'usine tourne au ralenti faisant front tant bien que mal
aux exigences de l'occupant.
Trois semaines avant le retour
de l'usine à l'heure française, un raid de l'aviation
américaine démolit la chambre 6 du sulfurique, en même
temps que le pont de chemin de fer proche de l'usine. Le 1er septembre
1944 c'est la libération, avec l'arrivée de la 1ère
armée américaine du général Hodges.
Il faut de nouveau de longs
mois avant que l'usine reprenne son rythme normal. Mais d'année
en année, elle s'anime, se développe et se transforme
pour produire davantage. C'est ainsi que le modeste bâtiment
d'anhydride phtalique de 100t/mois fait place à des ateliers
fabriquant près de 40 000t/an. Des productions nouvelles s'ajoutent
aux anciennes : produits organiques et dérivés, polyesters
et plastifiants et on assiste en même temps à la modernistion
des ateliers de sulfate et d'engrais, tandis que l'acide sulfurique
et les silicates y sont encore fabriqués.
En 1960, le centre de Formation
d'agents de maîtrise de Wasquehal est transféré
à Chauny au moment où naît la Société
des Produits Chimiques Pechiney-Saint-Gobain.
En 1972, une nouvelle page
de l'histoire se tourne puisque la "Soudière", tout
en fêtant le 150 ème anniversaire de sa fondation, perd
le nom du moine Gobain, qui avait vécu dans cette région
autrefois, pour entrer sous la raison sociale de "RHÔNE-PROGIL"
dans un avenir vers lequel elle tourne résolument.
Texte de Jean HALLADE
Extrait de la revue d'entreprise RHÔNE-PROGIL N°1
Avril 1972
(texte non modifié)



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